A lire cet été : « Journal d’un corps » de Daniel PENNAC
Je ne sais pas pour vous, mais ça faisait bien 10 ans que je n’avais rien lu de Daniel Pennac.
A vrai dire depuis la Saga des Malaussène – dévorée intégralement sans pouvoir m’arrêter – je n’aurais jamais cru possible d’aborder un autre registre avec cet écrivain !
Je n’ai pas été déçue.
Après « Laurent » de Valérie Fignon, voici une saine lecture qu’il me fallait partager avec vous.
« Journal d’un corps », mes impressions
Le « Journal d’un corps » n’est pas un journal intime – l’auteur nous le rappelle souvent. C’est la description, parfois extrêmement minutieuse, de divers états et sensations traversés et ressentis par un corps humain.
Certains passages sont d’ailleurs tout à fait étonnants à lire lorsqu’on est une femme. Je ne m’étais par exemple jamais inquiétée de savoir s’il était plus simple de faire pipi avec un zizi décalotté ou non…
Daniel Pennac décrit avec beaucoup de finesse les différentes périodes d’une vie humaine, dans un ton que j’ai trouvé toujours juste.
Notamment dans sa relation – extrêment émouvante – avec son petit-fils. Celle-ci m’a rappelé – sans pour autant forcément l’évoquer – les difficultés de communication que nous rencontrons avec nos enfants… et comme il semble plus doux alors de devenir grand-parent.
La grande subtilité de l’ouvrage – selon moi – est que chacun peut y trouver son ou ses propres niveaux de lecture.
Quelques morceaux choisis
Pour bien vous en imprégner, laissez-moi vous présenter quelques-uns des passages que j’ai trouvés marquants.
29 ans – vendredi 10 octobre 1952
Le 1er morceau que j’ai eu envie de partager avec vous, c’est ce passage où l’auteur utilise son corps comme rempart pour protéger son fils :
Mon anniversaire. Je m’en souviendrai ! Brandissant Bruno pour le présenter aux invités comme la 8ème merveille du monde, je suis tombé avec lui dans l’escalier.
(…)
Instinctivement je me suis refermé sur Bruno. Tout en roulant, j’ai maintenu sa tête contre ma poitrine, je l’ai protégé de mes coudes, de mes biceps, de mon dos, j’étais une coque refermée sur mon fils et nous roulions jusqu’au bas des marches dans un grand concert de hurlements.
(…)
Je me suis instinctivement métamorphosé en amortisseur humain. Bruno n’aurait pas couru plus de risque enveloppé dans un matelas. Je n’ai pourtant jamais fait de judo, pas appris à tomber. Manifestation spectaculaire de l’instinct paternel ?
37 ans, 6 mois, 2 jours – mercredi 12 mai 1961
Là, ce n’est pas une ode à Bigard, rien à voir… j’ai juste apprécié en connaisseuse le goût du travail bien fait ☺
Au-dessus d’un étron irréprochable, tout d’une pièce, parfaitement lisse et moulé, dense sans être collant, odorant sans puanteur, à la section nette et d’un brun uniforme, produit d’une poussée unique et d’un passage soyeux, et qui ne laisse aucune trace sur le papier, ce coup d’œil d’artisan comblé : mon corps a bien travaillé.
49 ans, anniversaire
Ce passage-là m’a tout d’abord intéressée car je connais quelques personnes qui souffent d’acouphène, et j’étais absolument convaincue qu’on ne s’y habituait jamais. Apparemment, je me trompais.
Par ailleurs, j’ai adoré la retranscription – non mentionnée ici – du rendez-vous chez le médecin lors de la découverte de la maladie : un véritable appel au meurtre.
Comme l’avait prédit la psychiatre, 3 mois ont passé et je me suis habitué à mon acouphène.
La plupart de nos peurs physiques ont ceci de commun avec nos miasmes qu’on les oublie une fois le vent passé. Nous paissons dans le champ de nos affaires en nous figeant comme des biches aux abois dès que le corps parle. Sitôt l’alerte passée, nous retournons à la pature avec des mines de prédateurs.
62 ans, 29 jours – Vendredi 8 novembre 1985
Ce passage est terrible… la souffrance mêlée de fureur est palpable. On imagine tout à fait vivre la scène, avec ce sentiment d’horreur insoutenable en arrière-plan.
Ce matin, j’ai oublié le code de ma carte bleue. Pas seulement le code mais aussi le moyen mnémotechnique concocté pour le retenir. Et le parcours de mes doigts sur le clavier. Frappé de stupeur devant le distributeur. Complètement ébranlé.
(…)
Panique mêlée de fureur.
(…)
J’ai tout perdu : mémoire, dignité, self-control, maturité, je suis complètement dépossédé. Ce code c’était moi.
(…)
79 ans, 6 mois, 8 jours – Vendredi 18 avril 2003
Et juste avant l’agonie…
Pour exprimer la douceur sous toutes ces formes, psychologique, sentimentale, tactile, alimentaire, sonore, les Italiens disent morbido. On ne peut imaginer faux ami plus radical à l’état de morbidité où je me réveille chaque matin.
Un livre à lire !
La fin est certes tragique, mais dans un livre qui ne l’est pas tant.
Toute vie doit fatalement s’achever, et le corps humain passe par différentes étapes que Daniel Pennac nous décrit avec justesse et précision.
Bref, si vous ne l’aviez pas compris je vous le recommande, ne serait-ce que pour que nous puissions échanger nos impressions !
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(plusieurs formats disponibles : kindle, relié, broché, poche… la fête, quoi 🙂 )
Une blonde qui sait lire, voilà qui casse un mythe!
Merci belle blonde.
Mais avec plaisir chère amie ^^
Merci pour ce chouette article Marylin! Je suis d’accord avec toi. Ce Pennac est à mettre entre toutes les mains, et particulièrement entre celles les plus jeunes. La justesse de l’ecrtiure « Pennac » rend la vieillesse et même la mort émouvantes et drôles par moments.
Et puis effectivement, comme tu l’as souligné, en tant que lectrice du sexe opposé on y append certains détails, comment dire? Instructifs, croustillants, amusants et toujours intéressants.
Chapeau Monsieur Pennac et merci pour cette invitation au cœur du corps masculin.
Malheureusement, pour un tome 2, ça va être compliqué…dommage, on en redemanderait bien, non?
Mais carrément !
Un modèle au féminin pour changer peut-être ?
Merci miss pour ton comm’ !
Commandé 🙂 ça fessait longtemps que j’en avait envie. moi aussi je n’avais pas lu un Pennac depuis au moins 10 ans, et tu m’as convaincue de m’y remettre !
Ahhh, super, suis ravie !
Tu me donneras ton avis ?